Dans une actualite nationale et au-dela, marquee par une nouvelle *trahison des clercs* que mesurent lâaccroissement des inegalites sociales, la perte de sens au travail, la financiarisation de lâeconomie, de frequentes revelations sur des faits de corruption des gouvernants, une evasion fiscale de grande ampleur de la part des entreprises et des classes sociales privilegiees, etc., des initiatives sont engagees pour faciliter le retour dâun acteur central mais a la visibilite publique sporadique sur la scene politique : le peuple. Avec lui surgit la problematique de la souverainete au sein de systemes politiques fondes sur la democratie representative par laquelle le registre du politique est redessine pour etre essentiellement lâaffaire de professionnels. Ne officiellement le 31 mars 2016 (https://www.convergence-des-luttes.org/communiques-de-presse/communique-31-mars-2016/ ), le mouvement *Nuit Debout* (https://nuitdebout.fr/) est la plus recente incarnation dâune telle mobilisation a lâinitiative de membres de la societe civile.

Afin dâinterroger ce que lâirruption de ce mouvement reflexif sur ce que « faire societe » veut dire, le seminaire Politiques des sciences propose de faire se rejoindre, dans le cadre dâune seance speciale, le temps de lâaction avec celui de la reflexion que la premiere impulse et que la seconde soutient. Lâoccasion est offerte dâexaminer et de questionner des travaux des sciences sociales dans la perspective dâen degager des chemins envisageables sur lesquels lâaction publique democratique originairement initiee place de la Republique a Paris pourrait sâengager. A cette fin nous avons fait appel a des chercheurs et des travaux qui sont porteurs dâun regard original et potentiellement transformateur de lâordre social domine par les imperatifs capitalistes vers une forme dâorganisation sociale davantage orientee vers la recherche dâune plus grande autonomie et solidarite. Cette seance vise a examiner si et de quelle maniere la Nuit Debout pourrait sâapproprier un certain nombre de perspectives, dâoutils de pensee, de moyens et de ressources propices a favoriser des changements majeurs pour inscrire son action transformatrice de lâexistant dans la duree. Ce qui implique dâimpulser, en collaboration avec dâautres formations et groupes sociaux, la mise en Åuvre dâun nouveau contrat social, qui mette en avant la primaute de la propriete sociale par rapport a la propriete lucrative, du commun et du droit dâusage sur la propriete privee ou publique, comme condition de cette transformation sociale concrete. En bref, il sâagit dâexaminer les conditions dâemergence du peuple comme acteur politique majeur aux cotes dâautres qui, dans le systeme actuel, monopolisent les prerogatives, les taches et les fonctions sây referant.

Dans cette perspective, il sâagira plus particulierement dâexaminer si et a quelles conditions le rapprochement de ces deux notions que sont le droit au salaire et la propriete sociale, condition dâinstitution du commun, pourrait sâaverer fecond dans une perspective dâemancipation sociale. Afin de debattre de la maniere dont ce rapprochement du politique et de lâeconomique pourrait renforcer la faisabilite du pari du mouvement citoyen en cours ici et la, et, au-dela de lâincarnation singuliere et contingente dâune communaute politique citoyenne instituante dâelle-meme, celle dâune activite constituante dâun ordre social et politique democratique dâun nouveau genre auquel ce mouvement sâefforce precisement de donner vie, nous avons invite :

â Bernard Friot, sociologue, Universite Paris-X, Réseau Salariat ( http://www.reseau-salariat.info/?lang=fr ) interviendra sur le theme : Le droit politique au salaire comme pilier de lâauto-gouvernement. Dans cette approche, le salaire est envisage en tant que source dâemancipation des travailleurs envers le rapport de subordination qui les lie a lâemployeur et a lâactionnaire dans le systeme existant, mettant en avant la propriete sociale pour lâopposer a la propriete lucrative ;

â Mathieu Gregoire, sociologue, Universite de Paris Ouest Nanterre La Defense, auteur de Les intermittents du spectacle : enjeux dâun siecle de lutte, pour evoquer le statut des intermittents : un statut régulierement decrie du fait de son regime dâindemnisation particulier peut-il etre cependant un modele viable pour une experience emancipatrice generalisable du travail ?

â Pierre Dardot, philosophe, Universite de Paris Ouest Nanterre La Defense, et Christian Laval, sociologue, universite de Paris Ouest Nanterre La Defense, qui dans leur avant-dernier ouvrage paru, Commun : essai sur la revolution au XXI° siècle, esquissent une conception de lâorganisation des echelons locaux, nationaux et internationaux, fondee sur le commun (une ressource et une organisation sociale dediee a sa preservation, se voulant horizontale quant a la nature de son gouvernement realise sous le regime de la coactivite et conçu dans la perspective de la poursuite de lâinteret collectif prevenant toute appropriation individuelle).

Moderation : Michel Barthelemy, sociologue, CNRS, CEMS-IMM, co-organisateur du seminaire.

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